Vœu relatif à la préservation de la Seine face aux pollutions multiples causées par le cimentier Lafarge et à l’extension de l’usine du quai bas de Javel
Conseil d'arrondissement - Séance du 21 Septembre 2020
Vœu relatif à la préservation de la Seine face aux pollutions multiples causées par le cimentier Lafarge et à l’extension de l’usine du quai bas de Javel
Déposé par Aminata Niakaté et Thibaut Bragé, élu.es du groupe écologiste de Paris 15e
Considérant qu’en 2017, l'entreprise Lafarge a obtenu un permis de construire délivré par la ville de Paris pour étendre sa centrale à béton installée sur le quai bas de Javel ;
Considérant que l’entreprise amodiataire justifie ce projet par la nécessité de répondre aux besoins en béton de la Ville de Paris ;
Considérant que c’est sur la base de cette justification qu’Haropa-Port de Paris a accordé cette concession à Lafarge ;
Considérant le démarrage d’un processus de concertation entre les différentes parties prenantes, incluant enfin les Riverains du site ;
Considérant que la première réunion de cette concertation, le 08 septembre 2020, a permis de faire ressortir une absence de définition des besoins prévisionnels de la Ville de Paris en matériaux nécessaires pour assurer son développement futur, notamment en béton ;
Considérant le courrier du 06 mars 2020 de Mr Jean-Louis Missika, alors adjoint à l’urbanisme de la Ville de Paris rappelant « que la Ville de Paris souhaite réduire drastiquement la production et l’utilisation de béton à Paris dans les prochaines années » ;
Considérant un contexte où le béton est responsable de 8 % des émissions de CO2 et que leur réduction est un enjeu fondamental pour la lutte contre le dérèglement climatique ;
Considérant la nécessité de développer l’emploi de matériaux bio-sourcés dans la construction à Paris et les modifications à apporter à la logistique urbaine concernant les camions-toupies ainsi que le préconise le rapport de l’APUR d’août 2014 ;
Considérant que les abords de la Seine n’ont plus la vocation anachronique de tenir lieu de zone industrielle notamment dans une zone touristique chargée d’histoire accueillant le Pont Mirabeau, le Pavillon de l’Eau, la Tour Eiffel et le Parc André Citroën ;
Considérant qu’un véritable scandale écologique a eu lieu en plein Paris, puisque nous apprenions le 1er septembre dernier que des eaux usées et des déchets (mélange de microfibres de plastique, de liquides de traitement, et de particules de ciment) de la centrale à béton Lafarge avaient été déversées dans la Seine au niveau des quais de Bercy ;
Considérant que le groupe Lafarge n’en est pas à son premier fait d’armes en la matière puisque les riverains des quais de Javel bas dans le 15ème arrondissement dénoncent régulièrement depuis de nombreuses années les nuisances et pollutions diverses causées par la centrale à béton Lafarge : rotation journalière de camions toupies polluants et bruyants, nettoyage des installations industrielles avec l’eau de la Seine, déversement d’adjuvants chimiques dans la Seine, bassins de décantation à ciel ouvert, contenant résidus de béton et produits toxiques, susceptible d’être submergés et vidangés dans le fleuve, notamment en période de crue…. ;
Considérant que ces actes ont conduit à l’ouverture de deux enquêtes judiciaires ;
Considérant le dépôt d’un recours par l’association des Riverains de Javel au Tribunal administratif à l’encontre de l'arrêté préfectoral portant enregistrement d’une installation de production de béton prêt à l’emploi sur le site du Port de Javel, quai de Javel-Bas ;
Considérant l’annonce de M. Emmanuel Grégoire lors de la 1ère réunion de concertation relative à l’extension de l’usine Lafarge sur le quai bas de Javel qui s’est tenue le 08 septembre 2020, consistant à prôner la seule réduction des nuisances, à l’exclusion explicite de toute possibilité d’abandon du projet ou de recherche d’un emplacement alternatif ;
Considérant que lors de cette même première réunion, le groupe Lafarge a consenti à réfléchir à un aménagement sur le Port Victor ;
Considérant que les écologistes, résolument opposés à ce projet désirent que les habitant.e.s du 15è puissent se réapproprier la Seine et ses abords ;
Considérant la volonté unanime de l’ensemble des listes candidates aux élections municipales des 15 mars et 28 juin 2020 de proposer un nouvel aménagement des quais bas de Javel ;
Considérant la décision de la Ville de Paris d’installer un bassin de nage dans la Seine à quelques mètres en aval du site prévu pour l’extension de l’usine Lafarge sur les quais bas de Javel ;
Considérant que la Seine est un commun et qu’il est de la responsabilité des élu.es parisien.nes de protéger le fleuve et tout son écosystème, sa faune et sa flore, et de s’assurer que les entreprises se plient pour le bien de tous aux réglementations environnementales les concernant ;
Considérant que la notion de préjudice écologique a été récemment introduite dans le droit civil et que ce faisant la dégradation d’un écosystème devient un préjudice objectif ;
Considérant qu’il est peut-être nécessaire de modifier la manière dont nous pensons la nature pour mieux la protéger à l’avenir contre ces atteintes ;
Sur proposition des élu.es écologistes, le Conseil du 15ème arrondissement émet le vœu :
- Que la Ville de Paris mette en place une mission d’évaluation de ses besoins et de ses administré.e.s en matériaux, en particulier en béton, à l’horizon 2040 ;
- Que la concertation entamée avec les associations de riverains de l’usine Lafarge de Javel soit prolongée jusqu’à :
1°) l’obtention des conclusions des deux enquêtes judiciaires concernant les activités de Lafarge sur ses sites du 15ème et du 12ème,
2°) la publication de la décision du Tribunal Administratif concernant le litige opposant la Préfecture et l’association des Riverains de Javel,
3°) l’obtention des conclusions de la mission confiée à la Ville de Paris relative à la définition des besoins en matériaux de la Ville de Paris à l’horizon 2040 ;
- Que la concertation avec l’association des Riverains de Javel soit étendue à l’abandon du projet ;
- Que la Ville de Paris réaffirme l’interdiction de la poursuite des travaux sur le site Lafarge de Javel jusqu’à l’achèvement complet du processus de concertation ;
- Que, dans le cas où les responsabilités de l’entreprise seraient avérées suite à l’enquête diligentée par le procureur de la République de Paris, la Ville de Paris se porte partie civile lors du procès et puisse témoigner des préjudices qu’elle a subis et s’assurer d’obtenir des réparations à la hauteur des dommages ;
- Que soit de toute urgence exercée une surveillance élevée de la part de Haropa-Port de Paris, qui contrôle les installations portuaires sur les berges, sur ses concessionnaires, et que le contrôle du respect des normes sanitaires et environnementales soit condition du maintien des concessions ;
- Que la Ville de Paris puisse à court terme reprendre le contrôle de ses Berges en ayant davantage de compétence sur les espaces des bords de Seine, et ne se contente plus d’un rôle consultatif à Haropa-Port de Paris ;
- Que les quais de Javel bas soient classés immédiatement au PLU en zone touristique (zone UT) et ce sans attendre l’adoption d’ici 2024 du nouveau PLU bioclimatique ;
- Que soit donné une personnalité juridique à la Seine, de la reconnaître comme un sujet de droit, comme cela a été fait pour le Whanganui en Nouvelle Zélande, pour le Rio Atrato en Colombie, pour le Gange en Inde, et en tout pour une dizaine d’étendues d’eau dans le monde. Reconnaître la Seine comme un sujet de droit permettrait aux citoyen.nes de saisir la justice au nom de l’entité, en raison des dommages subis, et pour mettre en avant son droit d’exister et de prospérer.