Mort de Paul Varry : quelles réponses politiques ?

Je suis toujours bouleversée par le meurtre de Paul Varry, cycliste de 27 ans écrasé par un automobiliste, en tant que vélotaffeuse et mère d’un cycliste de 19 ans. Mais en tant que responsable politique, nous devons dépasser la sidération et mobiliser pour pacifier l’espace public, tendre vers le zéro mort·es dans nos rues, sécuriser les déplacements à vélo. Plus jamais ça. Par Charlotte Nenner

Tout d’abord il faut rappeler que le vélo est un mode de déplacement éminemment vertueux, que ce soit pour la qualité de vie en ville (silencieux, non polluant et qui prend peu de place sur l’espace public), pour la santé, pour le pouvoir d’achat, pour la planète et le climat. Il est donc essentiel de le placer au cœur des alternatives à la voiture individuelle, et de sécuriser les déplacements à vélo car c’est le principal frein à la pratique au quotidien.

Voici quelques pistes d’actions qui sont à mettre dans le débat public.

Les forces de police doivent être des alliées de la sécurité des cyclistes et des piéton·nes. Les comportements des automobilistes mettant en danger des plus vulnérables doivent être sanctionnés de façon beaucoup plus systématique. Car à chaque fois qu’on laisse faire un stationnement gênant, l’utilisation d’une piste cyclable, un refus de priorité, on met directement en danger un·e cycliste dans un carrefour ou un croisement, un·e cycliste ou un·e piéton·ne qui doit contourner l’obstacle, un·e piéton·ne qui manque de visibilité pour traverser. Il y a beaucoup trop de tolérance pour les infractions au code de la route commises par les automobilistes. Et la police passe beaucoup plus d'énergie à sanctionner les cyclistes eux-mêmes qu’à les protéger de la violence motorisée.

De même, il n’est pas normal que les agressions quotidiennes, verbales ou physiques, envers les cyclistes soient impunies. Les cyclistes agressé·es savent hélas qu’il ne sert à rien de porter plainte. Rares sont ceux et celles qui le font, car même avec une vidéo, les automobilistes responsables sont rarement poursuivi·es ou condamné·es. Comme pour les violences sexistes et sexuelles, la police doit être formée et mieux accueillir les plaignant·es et ne pas minimiser ou nier les agressions subies. Avec la mort de Paul, la parole s’est libérée, et les cyclistes doivent être écouté·es.

Certain·es disent que les embouteillages rendent fous et que c’est ça qui crée une tension extrême chez les automobilistes. Mais soyons clairs : les embouteillages ne sont pas créés par les pistes cyclables ou les rues piétonnes, mais sont créés par un trop plein de véhicules motorisés. Oui il y a trop de voitures en ville, et les politiques visant à restreindre et contraindre la circulation automobile sont bénéfiques pour la sécurité de tou·tes. En particulier le développement des ZTL (Zones à Trafic Limité) est une piste très intéressante et plus efficace que les ZFE. Développer les alternatives à la voiture, c’est plus de cyclistes, plus de piéton·nes qui prennent les transports en commun … et moins de congestion in fine, ce qui profite à ceux et celles qui ont réellement besoin de leur véhicule pour se déplacer, à commencer par les taxis et les PMR. C’est aussi une ville apaisée, moins bruyante et avec moins de conflits d’usage.

.La violence routière est aussi une affaire de vitesse et de poids des véhicules. La vitesse combinée au poids du véhicule augmentent gravement la gravité des accidents — ou des agressions dans le cas présent. Une tonne cinq contre moins de 100 kg, c’est le pot de fer contre le pot de terre. Celui qui a écrasé Paul, délibérément, s’est servi de sa voiture comme d’une arme. Les SUV sont à ce titre clairement en cause. Trop lourds et avec une moins bonne visibilité, ils donnent à leurs propriétaires un sentiment de supériorité et de puissance qui génère une certaine agressivité sur la route. Alors comment réduire les SUV ? la Mairie de Paris a décidé de taxer le stationnement de ces véhicules. C’est un premier pas. Allons plus loin, en taxant en général les SUV (le malus sur le poids est trop haut et beaucoup de SUV passent au travers), mais surtout en créant un permis spécial, un permis B+. Avec la dangerosité des véhicules, les responsabilités ne sont pas les mêmes, la formation doit donc être renforcée.

La sécurité des cyclistes passe par des aménagements, notamment par la création de (vraies) pistes cyclables — et non des bandes cyclables alibi. Mais il convient surtout de mettre le paquet sur les carrefours et croisements. Ainsi le plan vélo doit donner la priorité à la sécurisation des carrefours. Or des mairies bloquent encore des projets et la politique austéritaire du gouvernement a fait deux victimes : le budget vélo et le fond vert. Il est urgent d’investir pour décarboner nos mobilités quotidiennes et sortir de la dépendance automobile.

Enfin, la question de l’éducation est peut-être la plus difficile, mais la plus nécessaire. Le savoir rouler ensemble et le partage apaisé de l’espace public doivent s’apprendre à tout âge. Cela passera peut-être par une réécriture du code de la route en considérant le milieu urbain, pour en faire un code de la rue. L’acculturation au partage de l’espace public passe par une régulation de la publicité, qui vante partout les valeurs de domination et liberté des voitures. Enfin, le fait que 84% des présumés responsables d’accidents mortels soient des hommes montre aussi que le problème de la violence motorisée est très genré. Là encore, l’éducation des garçons et des hommes reste la clé.

Charlotte Nenner

Conseillère régionale IDF et Co-secrétaire des Écologistes Paris

@chalottavelo